vendredi 14 janvier 2005

Les sectes sont partout

Quotidien France Soir, par Philippe Bouvier

La Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives à caractère sectaire (MIVILUDES) a présenté hier son "Guide de l'agent public face aux dérives sectaires." En contact avec la quasi totalité de la population, l'appareil d'Etat est, en effet, une cible de choix pour les groupes sectaires.
Aussi, 20 000 exemplaires de ce document seront distribués aux fonctionnaires pour les aider à détecter et lutter contre ces formateurs ou thérapeutes autoproclamés qui ont pris le pas sur les grands mouvements comme SRCM, Moon et Krishna.

"Que ce soit en matière de santé ou d'éducation,, les mouvements sectaires épousent les politiques publiques, constate Jean-Louis Langlais, président de la MIVILUDES. Depuis qu'on a annoncé le lancement d'un plan alzheimer, on a vu ainsi toutes sortes d'associations et d'organismes de formation proposer leurs services en milieu hospitalier."

" Le marché de la formation au sein des institutions est un enjeu énorme, un magnifique marché pour les mouvements sectaires comme pour les charlatans isolés" explique Maryline Deuxdeniers, conseillère à la MIVILUDES. Cela suppose au sein des institutions des acheteurs de formations très indépendants et méticuleux. mais encore trop souvent, des affinités personnelles peuvent décider d'un contrat, quand ce ne sont pas des pressions plus directes: une formation achetée contre un voyage.

C'est ainsi, en captant les budgets de formation que le New Age s'est propagé en France au début des années 90. Et aujourd'hui, le loup est dans la bergerie, porté par la tendance à l'hédonisme, la mode du développement de soi, avec un discours d'autant plus dangereux qu'il est banalisé, amplifié par la publicité ou la téléréalité.

Malheureusement, longtemps après le passage des gourous, leurs thèses se diffusent encore dans l'appareil d'Etat. "On a d'énormes problèmes avec les juges pour enfants ou des juges aux affaires familiales" reconnaît un fonctionnaire. Il faut dire que l'Ecole Nationale de la Magistrature qui consacre chaque année une semaine de formation à la question des sectes, confie parfois à d'étranges intervenants le soin d'éclairer les futurs magistrats sur les questions de protection de l'enfance. Le résultat est inquiétant : les victimes de thérapeutes manipulateurs se retrouvent, dans certains tribunaux face à des juges tout acquis à leurs thèses.