mardi 19 avril 2011

La sombre fin de carrière du gourou indélicat

Arrêté en Espagne, un homme de 71 ans est accusé de plusieurs viols. Epopée dramatique d'un profiteur du « new age ».

Voilà peut-être le mot de la fin d'une carrière riche en rebondissements. Le 24 mars, à Jaca, une petite ville d'Espagne proche de la frontière française, les hommes de la Guardia Civil accompagnés de policiers de l'Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP) et du SRPJ de Pau arrêtent Gabriel Loison, 71 ans, et sa compagne, 37 ans, de retour du Costa Rica. Depuis, à la demande des autorités françaises, il a été extradé le 11 avril et écroué à Nantes, mis en examen pour des faits de viols et d'agressions sexuelles. Sous le coup de six plaintes, déposées pour escroqueries, abus de faiblesse, abus de confiance.

Entre autres faits, Loison est soupçonné du viol d'une jeune Nantaise de 14 ans, revenue de Jaca en septembre dernier d'un « stage » qu'elle suivait avec sa mère. C'est son grand-père, qui pressentait un trouble, qui a réussi à faire parler la jeune fille, avant d'alerter Réseau parental Europe (RPE), association de défense et de protection de l'enfance et de déposer plainte. Une autre plainte pour des faits similaires en 2008 avait été déposée par une femme de 28 ans en décembre.
Espagne, Maroc, Costa Rica

Car Gabriel Loison est soupçonné d'exercer une profession bien particulière, celle de « gourou » de « l'université de la nature, de l'écologie et de la relation », une association proposant une « pause dans la frénésie sociale actuelle », pour aborder « un chemin plus en conscience du vivant ». En clair, les initiations étaient dispensées d'abord en France dans une maison de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique), à Jaca en Espagne, dans un gîte d'une palmeraie de Taroudant (Maroc) ou au Costa Rica, dans une propriété, la Finca Huetares. Au programme, et pour quelques milliers d'euros, rapprochement de la nature, partage, hypnose. Françoise, la sœur d'une femme de 62 ans que Gabriel Loison est soupçonné d'avoir pris sous sa coupe, se souvient, pour l'avoir rencontré, d'un homme peu avare de « théories très très spéciales. Ma sœur s'est laissée pousser les cheveux jusqu'à la taille parce que les femmes, selon lui, sont les antennes de la terre. Ils ont vécu quatre mois ouvertement ensemble, puis elle a été mise à l'écart. Lui vivait en permanence avec six femmes qui le suivaient partout. [...] En novembre 2009, elle a passé un mois au Costa Rica, mais elle ne veut rien dire de ce passage. »
« Le petit n'avait plus de lait »

J., un plaignant vendéen, estime quant à lui l'avoir échappé belle : « La mère de mon fils de 24 mois voulait l'emmener au Costa Rica, début janvier. Elle était déjà allée quatre jours en Espagne, puis vingt et un jours au Maroc. Là, Gabriel Loison voulait que mon fils soit du voyage au Costa Rica pour, selon lui, « couper les mémoires antérieures à la grossesse ». Mon ex-compagne ne mangeait plus de viande, le petit n'avait plus de lait... » Apprenant ce projet de voyage, ce père inquiet obtient d'un juge aux affaires familiales une ordonnance d'interdiction de sortie du territoire un mois avant, en décembre. « Nous étions derrière Gabriel Loison depuis cinq ans, explique Michel Gilbert, président de Réseau parental Europe. A notre connaissance, c'est le quatrième père de famille dont les femmes suivent Loison, et essaient d'y emmener les enfants. »
Passé de braqueur

Avant d'ouvrir cette université de la relation – ou ses filiales, La Maison des Arômes, La Casa de la Humanidad –, Gabriel Loison avait été remarqué pour Les Jardins de Vie, qui proposaient des stages similaires. Un mouvement classé comme « secte » dans un rapport ministériel de 1995. « Il se présentait comme psychologue, puis comme analyste, thérapeute, anthropologue, biorythmologue », raconte une religieuse et assistante sociale qui, en 1984, a participé à différents stages. Elle le décrit comme « un baratineur qui vous noie de paroles. Les stages étaient séparés entre des entretiens et des exercices dans la nature. Certaines séances se déroulaient assis nu par terre, en écartant les jambes... » Plus tard, elle portera plainte pour des agressions sexuelles et un viol, à plusieurs reprises, jusqu'à un non-lieu prononcé en 2004. En 1988, à Saint-Jean-de-Fos (Hérault), deux stagiaires décèdent durant une randonnée au programme d'un stage. Une mort jugée accidentelle.


En fin de compte, Gabriel Loison aura toujours réchappé des poursuites. Le natif des environs d'Angers sera une seule fois inquiété par la justice. En 1964, à son retour de la guerre d'Algérie, il est condamné à quinze ans de prison pour des vols à main armée. Depuis, il est soupçonné d'avoir troqué la manipulation contre la violence.

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