En prison depuis six mois, soupçonnée de viol, la compagne du gourou
Gabriel Loison reste solidaire de son mentor. Parcours d’une jeune femme
perdue.
« Je suis atterré qu’une fille aussi brillante ait pu suivre un type aussi petit. » Gaël (*),
un ami de jeunesse de Julie Baschet, n’en revient toujours pas d’avoir
appris son arrestation, le 25 mars dernier, dans un appartement de Jaca,
petite ville espagnole à une trentaine de kilomètres de la frontière
française. Immédiatement à son retour du Costa Rica, d’où la jeune femme
de 37 ans arrivait en compagnie d’un homme au sombre profil, Gabriel
Loison, 70 ans, président fondateur de l’Université de la relation, une
structure désormais considérée comme le théâtre de dérives sectaires. La
raison de ces arrestations ? Des soupçons de viol sur mineure de moins
de 15 ans. En l’occurrence, une jeune fille de 14 ans qui avait
participé, avec ses parents, à l’un des nombreux « stages » organisés
par l’« université » à l’étranger, entre l’Espagne, le Maroc et le Costa
Rica.
Une femme "profondément blessée"
Depuis
six mois, la jeune femme est en détention dans une maison d’arrêt
bretonne. Toujours sous le coup d’une mise en examen qui pourrait, à
l’issue de l’instruction du dossier, la mener dans le box des accusés
d’une cour d’assises, au côté de Gabriel Loison, le « gourou » (nos
éditions des 19 et 20 avril). Une situation délicate, qui ne colle pas
vraiment avec la personnalité de Julie. Retour sur une vie arrêtée, mise
en attente depuis qu’elle est soupçonnée d’avoir, selon une source
policière, « participé à plusieurs ébats sexuels qui font l’objet de plaintes ».
Née de parents graphistes installés dans une calme commune des
Yvelines, Julie intègre en 1995 l’Ecole des arts décoratifs, les
prestigieux « Arts déco » de Paris. A son actif, un don pour le dessin.
« C’était une fille très active, ultra-créative. Elle noircissait des tonnes de cahiers, tous les jours, tout le temps », se souvient Gaël, qui parle aussi de « quelqu’un de profondément blessé, qui donne envie de s’occuper d’elle ». Une jeune femme qui, « pour peu qu’elle ait trouvé l’amour dont elle a besoin, a la force d’un char d’assaut ».
A la sortie de l’école, elle participe à l’édition de plusieurs livres
pour enfants à vertus éducatives. Un auteur écrit les textes, elle se
charge des illustrations. Une fille « très douée », selon plusieurs de ses amis.
A la fois "victime" et "auteur de crime" ?
Pour
les policiers de la Cellule d’assistance et d’intervention en matière
de dérives sectaires (Caimades, voir ci-contre), le cas de Julie Baschet
est « très très compliqué pour les enquêteurs », selon une source proche du dossier. « C’est ce qu’on appelle en jargon policier une victime-auteur. » A la fois auteur présumé d’un crime donc, mais peut-être aussi la victime d’une emprise mentale. « Elle
n’est pas folle, elle est responsable mais, du fait qu’elle peut être
sous l’emprise du gourou, elle pourrait être moins responsable »,
analyse cette source. En tout cas, elle est décrite comme encore
solidaire de Loison, grand prêtre de l’Université de la relation. « Elle interdit aux enquêteurs de la traiter en victime. »
Ce que confirme en partie sa petite sœur, qui, si elle refuse d’en dire trop, reconnaît que Julie est « sous influence ». Pour autant, l’explication n’est que partielle. « Elle n’a pas un rôle passif, pas un rôle d’adepte », poursuit une source policière. Qui est Julie Baschet ? Une femme « amoureuse », « subjuguée par Gabriel Loison » ? Selon Benoît Rousseau, son avocat, une femme qui « a pu croire profondément, de manière sans doute un peu idéale, aux enseignements de vie de Gabriel Loison ».
"J’ai remué ciel et terre…"
C’est
vers 2004 que se produit la rencontre entre la jeune artiste et le
leader charismatique. Julie surprend nombre de ses proches quand elle
décide de partir pour le Costa Rica. Manon (*), une de ses amies, avoue s’en être inquiétée. « J’ai
remué ciel et terre pour l’empêcher de partir, raconte la jeune femme.
J’ai contacté des associations, j’ai même essayé de la faire interner. » Mais rien n’y fait, la dessinatrice que Manon décrit comme d’une « intelligence remarquable, profondément structurée, capable d’une analyse très fine et de démonter une idéologie », s’envole vers l’Amérique centrale. Elle n’est déjà plus la même. La jeune femme renfermée s’habille désormais comme une « bombe sexuelle ». Expériences chamaniques, « trucs ésotériques »,
éloignement des proches… Une spirale enrayée de manière brutale. Pour
le bien des victimes, peut-être aussi celui de Julie Baschet.
(*) Les prénoms ont été changés.
(*) Les prénoms ont été changés.
ÉCLAIRAGE
Des flics contre l’emprise mentale
Fondée il y a deux ans exactement, la Caimades fait partie de l’Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP). Sa mission : déceler dans des dossiers pénaux les signes d’une « dérive sectaire ». La difficulté, selon le commissaire Frédéric Malon, à la tête de l’OCRVP : « prouver les cas de manipulation mentale, d’emprise ». « Ce sont des notions de psychologie que nous devons traduire en langage policier. Par exemple, est-ce qu’une relation sexuelle consentie, mais consentie dans une situation d’emprise, est réellement consentie ? » Les cinq enquêteurs spécialisés de la cellule s’évertuent ainsi, dans une quinzaine de dossiers ouverts en permanence, à établir ces faits ; et pour ce, retrouver des victimes, les convaincre de parler, explorer les « techniques propres à altérer le jugement » et mettre hors d’état de nuire les manipulateurs.
Fondée il y a deux ans exactement, la Caimades fait partie de l’Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP). Sa mission : déceler dans des dossiers pénaux les signes d’une « dérive sectaire ». La difficulté, selon le commissaire Frédéric Malon, à la tête de l’OCRVP : « prouver les cas de manipulation mentale, d’emprise ». « Ce sont des notions de psychologie que nous devons traduire en langage policier. Par exemple, est-ce qu’une relation sexuelle consentie, mais consentie dans une situation d’emprise, est réellement consentie ? » Les cinq enquêteurs spécialisés de la cellule s’évertuent ainsi, dans une quinzaine de dossiers ouverts en permanence, à établir ces faits ; et pour ce, retrouver des victimes, les convaincre de parler, explorer les « techniques propres à altérer le jugement » et mettre hors d’état de nuire les manipulateurs.
Jérôme Sage
Lien vers l’article original de France Soir http://archive.francesoir.fr/actualite/faits-divers/enquete-derive-criminelle-d-une-artiste-sous-influence-144513.html
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